Voici ce qui détermine la dimension arctique du partenariat stratégique russo-indien

23.10.2024

Le groupe de travail conjoint russo-indien sur la route maritime du Nord (NSR) à travers l'océan Arctique, qui devrait devenir l'une des routes commerciales les plus importantes au monde, vient de tenir sa première réunion la semaine dernière à Delhi. Cette réunion fait suite à la visite du Premier ministre indien Modi à Moscou au cours de l'été, au cours de laquelle M. Poutine a signé neuf accords visant à développer la coopération dans divers domaines. Voici ce qui motive la dimension arctique de leur partenariat stratégique, qui dure depuis dix ans :

1. L'Inde devrait utiliser la NSR pour accroître ses échanges avec l'Europe

La guerre israélienne contre la résistance palestinienne en cours a suspendu indéfiniment les travaux sur le corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC) et a incité les Houthis à bloquer la mer Rouge, augmentant ainsi le coût du commerce indo-européen et soulignant l'insécurité stratégique qu'il a toujours connue. On s'attend donc à ce qu'à l'avenir, l'Inde utilise davantage la NSR comme une route moins risquée que celle qui empruntera la mer Rouge lorsqu'elle sera rouverte, ce qui ajoute un contexte aux quatre points qui suivent.

2. Les chantiers navals indiens ont la capacité de construire des brise-glaces russes

Selon le Maritime Executive, l'intérêt de la Russie pour la construction par l'Inde de quatre brise-glaces non nucléaires est dû au fait que ses chantiers navals disposent de la capacité qui fera défaut à ses concurrents, la Chine, la Corée du Sud et le Japon, au moins jusqu'en 2028. Ils ont également noté que les chantiers navals européens ne peuvent pas honorer ces contrats en raison des sanctions. L'Inde prévoit de construire plus de 1000 navires au cours de la prochaine décennie. Il est donc tout à fait logique que la Russie investisse une partie de son énorme stock de roupies dans ce secteur, dans le but de développer le NSR.

3. L'Inde dispose également de suffisamment de marins supplémentaires à former pour naviguer sur la NSR

Au cours de la réunion de la semaine dernière, la formation des marins indiens, qui sont les troisièmes au monde, à la navigation sur la NSR a également été discutée. Une loi russe de 2017 a interdit le transport de pétrole, de gaz naturel et de charbon le long de cette route sous pavillon étranger, tandis qu'une loi de 2018 exige que ces navires soient construits en Russie. Compte tenu du déclin naturel de la population russe, des marins indiens expérimentés pourraient être engagés pour aider à la navigation de ces navires, au lieu de compter sur des migrants d'Asie centrale, dont la population locale ne veut plus.

4. L'Inde pourrait investir dans l'énergie de l'Arctique russe sous certaines conditions

Le projet russe Arctic LNG 2, dont une entreprise chinoise s'est retirée cet été, pourrait faire l'objet d'un investissement indien sous certaines conditions. Le mois dernier, le ministre du pétrole a déclaré que son pays ne serait pas impliqué pour l'instant en raison des sanctions, mais une exemption pourrait être possible s'il contribue à la médiation pour mettre fin au conflit ukrainien. Kiev préférerait que l'Inde joue ce rôle à la place de la Chine et, si elle y parvient, l'Occident pourrait la récompenser en conséquence pour réduire l'influence de la Chine dans l'Arctique.

5. L'Inde joue un rôle indispensable dans l'équilibre de l'influence mondiale
Enfin, la Russie compte sur l'Inde pour éviter une dépendance disproportionnée à l'égard de la Chine, ce que les lecteurs peuvent développer en lisant les trois articles en lien en note (1). Malgré les pressions occidentales exercées sur l'Inde pour qu'elle prenne ses distances avec la Russie, l'Occident commence progressivement à apprécier ce rôle, ce qui explique pourquoi il n'a pas imposé de sanctions maximales à l'Inde pour les échanges technologiques apparemment clandestins. L'influence croissante de l'Inde dans l'Arctique fait donc contrepoids à celle de la Chine et satisfait à la fois les intérêts russes et occidentaux.

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La coopération russo-indienne dans l'Arctique est très prometteuse pour les raisons qui viennent d'être énumérées, même si elle ne pourra pas atteindre son plein potentiel tant que l'Inde hésitera à défier les sanctions occidentales sur le projet Arctic LNG II. Compte tenu du rôle indispensable de l'Inde dans l'équilibre de l'influence mondiale, l'Inde et l'Occident devraient entamer des discussions discrètes sur ce qui pourrait être fait pour obtenir une exemption, qui permettrait à l'Inde de concurrencer plus efficacement la Chine dans l'Arctique.

Note:

(1) a) https://russiancouncil.ru/en/analytics-and-comments/columns/asian-kaleidoscope/india-is-irreplaceable-balancing-force-in-global-... - b) https://korybko.substack.com/p/towards-tri-multipolarity-the-golden - c) https://russiancouncil.ru/en/analytics-and-comments/columns/asian-kaleidoscope/tri-multipolarity-should-become-the-next-big-idea...

Source

Traduction de Robert Steuckers