Méfions-nous de l’Africanisme: science créée pour l’Africain contre l’Africain
C’est au XVe siècle que les Européens commencèrent à prendre contact avec les régions côtières de l’Afrique subsaharienne et à produire des œuvres littéraires qui vont notamment servir de sources pour les historiens modernes. Toutefois, ces auteurs n’avaient nullement l’intention, du moins pas immédiatement, de rédiger des ouvrages d’histoire de l’Afrique, car leur but essentiel était de décrire la situation contemporaine du continent pour des besoins personnels. En effet, à cette époque, la tendance maîtresse de la culture européenne méprisait les autres civilisations, et principalement les sociétés africaines qui n’avaient, selon eux, pas d’histoire digne d’être étudiée. Plus tard, avec la colonisation, les penseurs européens prônant les idées hégéliennes, soutenues par celles de Darwin, désigneront les sciences humaines et naturelles telles que l’anthropologie, la linguistique ou l’ethnologie, dont les méthodologies non historiques permettent d’étudier et d’évaluer les cultures et les sociétés des peuples dits « primitifs » et « inférieurs » aux Européens, comme étant les plus appropriées pour parler des Africains . Ces sciences humaines et naturelles deviendront les piliers d’une nouvelle science fabriquée spécialement pour étudier l’Afrique: l’africanisme. Et lorsqu’au début du 20ème siècle, l’histoire devient une science fondée uniquement sur l’analyse rigoureuse des sources originales et principalement écrites, l’Afrique, qui selon la pensée occidentale est une civilisation de l’oralité, n’aura pas droit à une histoire écrite. C’est ainsi qu’A. P. Newton, fondateur du Royal Anthropological Institute déclarera: « L’Afrique n’a pas d’histoire avant l’arrivée des Européens. L’histoire commence quand l’homme se met à écrire ». Aujourd’hui, peut-on dire que l’Afrique possède réellement une histoire écrite? Si oui, par qui est-elle écrite et sur base de quelles sciences principalement? Aussi, comment l’Africain aura t-il réussi ou non à s’imposer dans un paradigme universitaire institué et typiquement eurocentrique afin d’écrire ou de ré-écrire son histoire?